Dans l’extrême sud de la France, juste avant la frontière espagnole, là où les montagnes des Pyrénées se jettent de façon spectaculaire dans la mer, se trouve Collioure. Une belle vieille ville avec des bâtiments pittoresques, des plages, un château au bord de l’eau, des rues pleines de galeries d’art et une magnifique baie. Kirsten Mackintosh, artiste expatriée à Collioure, se fait de nouveaux amis à Collioure autour de l’Aïoli, un plat à base d’ail si fort qu’il devrait être légalisé…
Peu de temps après notre arrivée à Collioure, nous avons reçu une invitation à dîner. Pour nous, c’était le traité d’Amiens. Un geste d’acceptation. Nous avions attendu notre temps pour boire du rosé bon marché dans des bars douteux et pour cela nous avions été récompensés. C’était la plus désirable des récompenses : souper chez un vrai Français. J’ai anticipé des parties obscures d’animaux, d’alcool et d’ail. Beaucoup d’ail. Je ne devais pas savoir combien d’ail…
Il s’appelait Nicolas. Il était professeur. Il a passé son temps à nourrir les cellules cérébrales de l’élite de l’Université de Toulouse tout en oblitérant les siennes via des séjours indulgents à Collioure. Il était rusé. Je l’aimais. Pour un homme long et anguleux, il pouvait se fondre dans les raccords avec une habileté curieuse. Au fur et à mesure que les nuits avançaient, on le retrouvait ondulant contre le bar comme une montre Dali. Son visage était expressif mais portait la tension des épouses éloignées, des enfants éloignés. Nous nous sommes rencontrés au Piano Bar. Il nous considérait avec une méfiance désinvolte. De temps en temps, il me chantait fort et dans une proximité inconfortable. La combinaison du souffle infusé de Gitanes avec les mélodies obsédantes des chansons passées était une aussi bonne introduction à la France que n’importe quelle autre. Je pense qu’il admirait notre nature imperturbable. Peut-être était-il seul. Quoi qu’il en soit, nous avions une invitation à dîner. Nous étions dedans.
Il nous a chaleureusement accueillis ce soir-là. Il avait déjà eu un Ricard, peut-être deux. Il était détendu. Sa maison était petite mais ordonnée et il avait le critère le plus convoité de l’immobilier de Collioure : l’espace extérieur.
C’était un soir de fin août dans le Roussillon et nous nous sommes assis en terrasse. Il nous a dit qu’il allait faire cuire des sardines au barbecue. Il les avait achetées à quai à un gars de Port Vendres le matin même. Cependant, il n’y avait pas d’urgence, il le ferait plus tard. Il y avait d’abord du vin rouge frais à boire et des brises à souffler.
Il n’y avait aucune indication de la panique palpitante habituelle qui précède le dîner britannique. Pas de planification de menu, pas de tirets de dernière minute pour des ingrédients à la mode. Pas de friperie. C’était rafraîchissant. La nourriture était intrinsèque, mais pour Nicolas, ce n’était qu’un des nombreux facteurs qui contribuaient à cet acte de subsistance partagée. Finalement, il a fait cuire le poisson. Il avait choisi une méthode d’exécution simple, judicieuse compte tenu du volume d’alcool déjà consommé. Le fait qu’il y ait eu des flammes nues était cependant toujours une cause d’inquiétude.
Les sardines ont été frottées dans un peu plus d’huile d’olive, cuites au barbecue, puis aspergées généreusement de citron, de persil et de fleur de sel. Ils étaient servis avec l’aïoli maison de Nicolas. Ici, l’aïoli est un gros problème. C’est l’élixir aillé par lequel les maigres restes se transforment en festins somptueux. Les recettes sont farouchement gardées et vivement contestées. Il a produit le sien avec le niveau de fierté normalement réservé aux premiers-nés, pour les thèses terminées. Je n’ai aucune idée de comment il l’a fait, mais je ne peux qu’imaginer qu’il a liquéfié de grandes quantités d’ail cru avec un peu plus d’ail ajouté à la fin pour faire bonne mesure. C’était féroce. Il a cautérisé nos bouches avec une intention sauvage. C’était aussi délicieux.
Nous avons mangé sans élégance, crachant des os, essuyant les mains et la bouche et c’était glorieux. Nous sentions l’ail. Toute menace vampirique a été éteinte en toute sécurité pendant au moins un mois supplémentaire. Nous causâmes tard dans la nuit et il exposait ses théories sur la vie avec cette assurance que font si bien les Français (ivres) d’un certain âge. Les verres ont été vidés et des amitiés se sont forgées. C’était un prélude approprié à la vie extraordinaire que Collioure allait offrir.
Quant à Nicolas, ses visites à Collioure se font beaucoup plus rares. Je ne sais pas pourquoi. Je le vois encore de temps en temps, chanter à bout portant pour des inconnus, sa voix explosant dans l’air de la nuit comme un trombone cabossé…
Kirsten Mackintosh vient d’Ecosse. Elle vit à Collioure avec son mari, vigneron et ses deux enfants. Elle a un studio d’art et un très vif intérêt pour la nourriture, y compris une compulsion/dépendance à la pâtisserie. Site Web de Kristen : www.ateliermackintosh.com
Voir la recette de Kirsten pour les sardines grillées et l’aïoli – à la française.