Tisserands de soie et traboules lyonnaises

Tisserands de soie et traboules lyonnaises

Récemment, je me suis retrouvé à l’ombre bienvenue d’une traboule (ces anciens passages couverts qui font la renommée de Lyon), sur les rives escarpées de la Croix Rousse, ancien quartier des soieries lyonnaises. Et alors que les acheteurs s’affairaient, sacs à la main, se dirigeant vers les boutiques branchées ci-dessous, je n’ai pas pu m’empêcher de m’interroger sur tout ce que ces ruelles secrètes ont dû voir et entendre au cours des siècles passés.

industrie-de-la-soie-de-lyonAvec l’invention du métier à tisser Jacquard en 1804, de hautes maisons de tisserands de soie ont vu le jour sur la Croix Rousse, tandis que les plus grandes maisons de ville des riches marchands de soie se trouvaient au bas des pentes, plus près du reste de la ville et de cours à ses deux fleuves le Rhône et la Saône. Des soieries exquises et des dessins époustouflants ont été créés ici et ont voyagé à travers le monde dans des endroits exotiques, royaux et spectaculaires, mais cela n’a pas été sans causer des souffrances considérables aux tisserands de soie de Lyon.

Pendant que je me tiens ici, je ne peux m’empêcher d’écouter le bavardage des nombreux tisserands de soie différents d’hier, qui se sont peut-être arrêtés ici pour reprendre leur souffle ou se sont précipités dans ces passages. Il y en a un, le dos et les bras endoloris, déjà épuisé par de longues heures, un travail pénible, un salaire et une alimentation médiocres, des rouleaux de soie sur les épaules, soucieux de respecter ce rendez-vous avec le marchand peu recommandable qui attend en bas. Son visage est-il marqué par l’inquiétude que les fruits divins de son travail ne lui rapportent pas assez pour nourrir sa famille cette semaine-là ? Et quelles que soient ses pensées, je doute d’une manière ou d’une autre qu’il se soit arrêté pour admirer l’architecture ou qu’il ait pensé aux vues spectaculaires sur la ville alors qu’elle baigne dans le soleil printanier.

Et est-ce ce même ouvrier démuni que j’entends, plein de colère, se presser à la rencontre de ses frères ou de ses cousins ​​qui se réunissaient dans ces passages cachés et parlaient de révolte en 1831 ? Savait-il quel moment charnière de la révolution industrielle son implication dans le soulèvement allait marquer ? Ses jambes tremblaient-elles d’excitation furieuse et sa femme l’a-t-elle supplié de ne pas y aller ? Et que dire des jours après la révolte. Qu’est-il arrivé à ce tisserand de soie alors ? S’est-il enfui en remontant ces marches vers sa famille, a-t-il langui dans une prison française lorsque l’armée a écrasé le soulèvement ou pire, n’a-t-il plus jamais redescendu ce passage à la hâte ?

En montant sur la colline, j’arrive à la Maison des Canuts (la maison des tisserands de soie), avec son immense métier Jacquard et sa sélection de soies aux couleurs vives disposées. Était-ce dans cette pièce peut-être, ou dans une pièce très semblable, que les tisserands bavardaient avec enthousiasme au début du 19e siècle alors que l’on apprenait qu’une nouvelle commande avait été passée pour le Château de Versailles ? Et ont-ils discuté avec admiration des brocarts dorés et floraux élaborés, des magnifiques dessins de bouquets aux couleurs délicieusement subtiles mais vives et du satin rouge cramoisi destiné à la loge de l’impératrice ? Ces soies devaient sembler si obtus opulentes par rapport à leur mode de vie simple et clairsemé.

tissage-de-soie-lyonPlus tard, alors que je regarde une main canut moderne peindre les détails d’un dessin complexe dans les Ateliers de Soierie tandis qu’une autre applique d’énormes blocs de couleur, écran après écran pour donner vie à une écharpe vibrante et vivante, je me demande si c’est ici qu’ils confectionna le rouge vif, le velours de soie et le brocart d’or destiné à Saint-Pétersbourg. Ou peut-être que ce sont les tisserands de soie de la fin du 19e et début 20e siècle, je peux entendre, chuchoter avec enthousiasme sur les commandes riches et exotiques pour les Rothschild et les Vanderbilt, alors qu’ils transportaient leurs tissus d’avant en arrière.

Je me dirige vers la chaleur chaleureuse d’un café voisin, mon esprit se tourne vers des temps plus récents, lorsque dans les années 1950 et 1960, les ouvriers de la soierie de luxe Prelle (l’une des plus anciennes encore à Lyon), ont appris qu’ils allaient travaille sur un plan incroyablement ambitieux pour reproduire certaines des immenses soieries de la chambre de la reine au château de Fontainebleau et de la chambre de Louis XIV à Versailles. Les tisserands de Prelle ont-ils descendu les rues étroites de la Croix Rousse pour boire du café ici et parler des 110 tons de couleurs différents qu’ils allaient devoir utiliser, des nouvelles compétences qu’ils avaient acquises lorsque Prelle a réinventé un métier à tisser pour fabriquer une chenille de soie qui n’avait pas été fabriquée depuis 100 ans ou se plaignaient-ils de ne pouvoir réaliser que 3 cm de travail par jour sur ce métier obsolète. Et les enfants de ces travailleurs se sont-ils précipités sur ces marches 28 ans plus tard pour célébrer l’achèvement final de ce projet royal ou ont-ils crié avec enthousiasme au-dessus du bourdonnement dans le bar à propos des fils, des couleurs et des motifs somptueux qu’ils utiliseraient pour la conception de soies pour le film Marie-Antoinette de 2006 ?

chaussures-de-soie-de-lyon-pour-marie-antoinette-filmLa Croix Rousse est un lieu qui résonne de multiples voix et d’histoires extraordinaires. Il y a les rires gras des marchands de soie, les cris enfumés des cuisines des cuisinières fougueuses, il y a le colportage des marchés et des bateaux fluviaux et même le faible cri du martyr romain au loin. Mais par-dessus tout, il y a le doux vrombissement et le cliquetis du métier à tisser, le doux bruit de la soie pliée et le murmure et le cri arraché de ces tisserands de soie qui ont été témoins d’événements aussi extraordinaires et ont créé des chefs-d’œuvre fascinants et somptueux au cours des siècles.

Lyon la ville enivrante à la double personnalité

Spectacle Lumière de 4 jours à Lyon
Brasserie George Lyon, une fête littéraire
Comment aller là: En train de Londres à Lyon en seulement 4h30.
Site de l’office de tourisme: www.lyon-france.com

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Publié par Les Pépites de France L'équipe des Pépites de France.
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